Le début du XVIIème siècle est une époque passionnante tant sur le plan religieux avec l'apparition de personnalités spirituelles très fortes, dont Saint François de Sales, dans un contexte de luttes meurtrières, que sur le plan calligraphique avec l'émergeance de calligraphes extraordinaires qui ne seront jamais égalés dans leur domaine.

Cet art, certes difficile et exigeant,  demeure fécond et peut aujourd'hui nous montrer une autre voie d'exploration de la calligraphie, basée sur l'élégance et l'intelligence  plutôt que sur le "design" à l'anglosaxonne.



Calligraphie de G.Carpentier


Ci-dessus une des très rares calligraphies sur papier du XVIIème siècle.
Qui plus est, une pure merveille!
Elle fut réalisée en 1600 par un virtuose : George de Carpentier, calligraphe flamand.

A cette époque, les livres de calligraphie étaient en fait des recueils de gravures, il n'y avait déjà plus de livres entièrement calligraphiés à la main comme on pouvait encore en voir au siècle précédent pour des livres prestigieux (comme la "Mira Calligraphiae monumenta" de Georg Bocskay pour l'empereur Ferdinand I).

Ci-dessous une exception, le livre de Johann Hering(1580-1647) intitulé "Kalligraphische Schriftvorlagen", que, semble-t'il, il avait réalisé pour son usage personnel comme base de son enseignement auprès de ses élèves.
Calligraphie de J.Hering
Calligraphie de J.Hering
Calligraphie de J.Hering
Si la calligraphie de Carpentier est une véritable oeuvre d'art planant dans des horizons élevés,
on ressent chez Hering, tout en nous montrant quand même de belles pages bien composées, une proximité avec le commun des mortels.
On perçoit que ses écritures vont plus tard servir à ses élèves dans les secrétariats, les administrations, les cabinets de notaires, etc.

Si le premier nous élève vers le divin, le second nous enracine dans l'humain.

La quasi totalité des livres de calligraphie de cette époque se compose donc de recueils de gravures, ce qui permet évidemment leur reproduction et une plus grande diffusion.
La finesse des calligraphies a progressivement amené l'abandon de la gravure sur bois pour la gravure sur cuivre (d'où la visualisation de l'empreinte des plaques).
Ces gravures de calligraphies sont parfois associées à des pages de typographies.
Il en est ainsi du livre de Paulus Franck(1570-1601)"Schatzkammer, Allerhand Versalien"


typo du livre de P.Franck
Gravure du livre de P.Franck
Gravure du livre de P.Franck
Ces pages de typographies, en gothique Fraktur avec inclusions d'antiqua, anotations en marges, ont directement inspiré les pages de texte de mon livre.

On constate que les gravures ont certes permis une meilleure exécution du dessin mais sont nettement moins vivantes que les calligraphies de J.Hering.

Par ailleurs, ces livres sont toujours des livres de modèles calligraphiques, où le texte n'a déjà plus aucune importance et où, donc, la lisibilité est le plus souvent quasi nulle, car ce qui compte, c'est l'élégance du dessin, l'intelligence dans la variation des formes, l'originalité des arabesques, la composition de la page et, enfin, la maîtrise de l'éxécution.

Toutes ces qualités se retrouvent à la perfection chez l'illustrissime Jan Van den Velde(1569-1623, presque l'exacte contemporain de St F.de Sales), dont 3 gravures sont présentées ci-dessous.

Calli de Velde
Calli de Velde
Calli de Velde
Capable de la plus extrême complexité (à gauche), maîtrisant les formes des lettres dans une impression d'évidence qui témoigne d'une intelligence brillante (à droite, par exemple, le dernier "E" tout à la fois amené, composé et imbriqué par la descendante du "M"), il peut aussi faire des compositions simples(au centre) où éclate toute la sensibilité de son tracé.

Si Van den Velde est le plus célèbre , il n'est pas le seul calligraphe de cette époque et d'autres ont brillé également. Outre Carpentier dont on a parlé plus haut, il me parait impératif de citer Cornelius Boissens(1569-1635, flamand également)


Calli de Boissens
Calli de Boissens
Calli de Boissens
Il ne reste que très peu de véritables calligraphies de cette époque; elles sont pour la plupart sur parchemin,
le papier étant beaucoup plus fragile (ceux utilisés pour la calligraphie n'ont pas les mêmes caractéristiques
que ceux des livres), et dessinées à la plume d'oiseau.

Ces savoir-faire sont aujourd'hui perdus, pour de multiples raisons (disparition des filières animales pour la fabrication de parchemins de qualité, nombre insuffisant des parcheminiers pour maintenir la transmission des
tours de mains, manque de choix pour les plumes d'oiseau (oie mais aussi dindon, cygne, aigle, canard, etc.)
qui ont des spécificités d'utilisation et certaines façons de les tailler qui sont oubliées (il y a une grande différence entre pratiquer une technique et en lire une description, fut-elle de Van den Velde).

Pour toutes ces raison, je n'ai pas connaissance d'une seule calligraphie contemporaine dans ce style à la plume d'oiseau.

Mon livre est donc écrit à la plume métallique sur papier.
Ses pages mesurent 19x28cm.
Il présente différentes écritures inspirées par les différents modèles des livres de l'époque.

On trouvera ainsi, outre la lettre allemande (Fraktur) et la lettre française dite "de civilité"



page texte en fraktur
lettres de civilité


des lettres italiennes, en particulier la lettre humanistique (ci-dessous à gauche)
que les typographes avaient déjà accaparée pour créer antiqua et autres classica qui deviendront la base de
notre écriture d'ordinateur (Times New Roman, etc.)
ainsi que la cancellaresca moderna (ci-dessous à droite),
 qui est une chancellière créée par le calligraphe italien Giovanni Antonio Cresci dans son ouvrage "Essemplare
di piu sorti lettere" paru à Rome en 1560, reconnaissable à ses extrémités en forme de goutte et à la finesse de
ses traits,


humanistique
Cancellaresca moderna


des lettres flamandes enfin.
Ces dernières ont été classées par Van den Velde lui-même en 4 types.
Le premier est plutôt carré, bien posé, ressemblant un peu à la ronde.
Le deuxième est droit également mais plus cursif (il est plutôt recommandé aux notaires, avocats, secrétaires).
Le troisième est cursif également mais italiqué vers l'avant
tandis que le quatrième (que je n'ai pas utilisé) l'est vers l'arrière.

lettre flamande 1°type
lettre flamande 2°type
lettre flamande 3°type






Pour terminer ce petit parcours 4 siècles avant nous, voici une calligraphie que j'ai faite hors livre
Epitre aux Hébreux








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